Entretien avec Thomas Cousseau
15 ans maintenant que Thomas Cousseau est engagé auprès de Tournesol, Artistes à l’hôpital et qu’il parcourt avec nous les services pour lire des contes aux patients. Car cet ancien élève du Cours Florent et du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, rendu célèbre pour son interprétation de Lancelot dans la série Kaamelott, s’épanouit avant tout dans la relation qu’il crée avec son public. Comédien discret, il témoigne aujourd’hui sur son parcours à Tournesol, Artistes à l’hôpital.
Comment avez-vous commencé à travailler avec Tournesol, Artistes à l’hôpital ?
Thomas Cousseau : Tout a commencé en 1994. J’étais alors en résidence à Belfort avec deux autres comédiens. Nous avons monté un spectacle, que nous avons joué dans un service de gériatrie. J’étais terrorisé, pétrifié ; c’était très impressionnant. A la fin du spectacle, j’avais deux possibilités : soit je me réfugiais avec mes camarades, soit je m’exposais un peu plus et j’allais voir les gens. C’est ce que j’ai fait : j’ai vu des gens très âgés, certains qui n’avaient pas envie de parler et d’autres qui m’ont fait beaucoup de retours sur le spectacle. Quand je suis sorti de là , j’ai senti qu’il s’était passé un truc. En rentrant à Paris j’ai démarché beaucoup d’hôpitaux parisiens, mais partout on m’a jeté. J’étais très vexé ! (rires) Quelques temps après, en 1997, j’ai rencontré Jean-Marc Zvellenreuther [guitariste, partenaire de Tournesol, Artistes à l’hôpital]. Je lui ai parlé de mes recherches et il m’a dit « tu sais je travaille avec une association, Tournesol ; appelles-les de ma part ». Mon projet initial était d’aller à la rencontre des patients qui ne pouvaient pas sortir de leur chambre. J’en ai parlé à Elisabeth [de la Genardière, directrice de Tournesol, Artistes à l’hôpital], et elle m’a encouragé à monter quelque chose avec Jean-Marc Zvellenreuther. Je lui ai proposé une histoire tirée des Mille et une nuits, et on l’a travaillée ensemble (voir photo). Une fois qu’Elisabeth [directrice et fondatrice de l’association] a vu que je m’en sortais bien, j’ai commencé à intervenir seul.
Pourquoi les contes plutôt que le théâtre, puisque votre première action à l’hôpital était une pièce ?
TC : Je trouvais qu’une pièce de théâtre se prêtait mal au contexte. C’est plus long, et tous les comédiens sont dépendants les uns des autres… Quand on vient avec Jean-Marc Zvellenreuther, on est tous les deux suffisamment indépendants pour pouvoir travailler chacun de notre côté. Mais quand on arrive avec une pièce de théâtre, on ne peut proposer que ça. S’il y a un problème, quel qu’il soit, on est coincé. L’hôpital est un lieu où il faut savoir s’adapter très vite. Une pièce de théâtre est un cadre trop lourd. Dans ma pratique je dois être très souple. J’ai aussi choisi cet exercice car je m’y jugeais mauvais, et je suis très admiratif des conteurs de profession. C’était donc une forme de défi pour moi. C’est peut-être un peu égoïste ! Je trouvais ça important de savoir lire les histoires. Ça parle aux gens. Moi-même ça me rappelait des choses de l’enfance.
Comment choisissez-vous les contes que vous lisez ?
TC : La principale contrainte est celle du temps : il faut des textes qui peuvent être lus en 10-15 minutes. Ensuite je cherche des histoires accessibles à tous. L’idée n’est pas que ce moment soit un effort pour les patients. Les nouvelles de Maupassant par exemple, qui sont des petits romans condensés, s’y prêtent bien: elles sont faciles à suivre, et on connait tous plus ou moins cet univers. Après il m’est arrivé de lire des choses dans un style moins classique, comme le début de Bouvard et Pécuchet de Flaubert ou des extraits de L’Énéide. Je teste. Mais la longueur et l’accessibilité restent les deux critères principaux.