Entretien avec Marie Renaud et Ronan Yvon
La chanteuse Marie Renaud, alias Marie Tout Court, et le guitariste Ronan Yvon, soufflent un petit vent de folie sur l’association Tournesol, Artistes à l’Hôpital, depuis bientôt 9 ans. A deux ou à plusieurs, auprès des plus jeunes comme des plus âgés, ces deux artistes aiment l’aventure, les défis et les rencontres. Un engagement riche et créatif qui s’épanouit au coeur d’une association en perpétuelle évolution…
Pourriez-vous me raconter vos débuts avec Tournesol, Artistes à l’hôpital ?
RY: J’ai été contacté par Thomas Longhi [ancien chargé de programmation à Tournesol, Artistes à l’Hôpital] en 2005. A cette époque, il utilisait le listing des JMF et contactait des artistes en fin de tournée. Je terminais alors la tournée du spectacle musical La Goutte d’eau. J’ai accepté sa proposition et ai fait un premier concert en service de greffe de moelle avec Alexis HK. C’était très chargé en émotions. Je pense qu’à l’époque on était moins bien préparé, et on s’est pris la réalité en pleine figure. Quand on est sorti de là , on était déprimé, on n’a pas dormi. Mais ça m’a donné envie de continuer. Peu de temps après j’ai rencontré Marie. Elle faisait déjà des ateliers d’écriture de chansons en psychiatrie, alors je me suis dit que l’association Tournesol pourrait l’intéresser.
MR: Mon premier concert avec Tournesol s’est également déroulé en service de greffe de moelle, avec Ronan. Ça m’a tout de suite plu ! Il y avait ce jour-là un petit garçon qui en plus d’avoir une leucémie souffrait de plusieurs handicaps physiques. Mais il était à fond ! Il a sorti son harmonica et a joué avec nous ; c’était un moment magique ! Après cela, j’ai proposé à Elisabeth [de la Genardière] d’animer des ateliers de création de chansons. Elle a accepté, et nous avons commencé par un cycle de 10 séances à l’hôpital Montesson [service de psychiatrie infanto-juvénile], puis au SamuSocial. Aujourd’hui on essaie de remonter ces ateliers de création à l’hôpital Montesson, mais dans un autre service [service de psychiatrie adulte]. C’était très agréable, j’adore ces moments. On chante d’une façon différente, il y a une autre résonnance.
Comment vivez-vous la rencontre avec les publics de l’hôpital ?
RY: Je pense que, dans la limite du raisonnable, on peut se permettre beaucoup de choses. On peut se laisser aller à de l’émotion, avec des chansons parfois tristes ou chargées, mais on peut aussi aller vers des choses plus légères qui font sourire. D’autant que l’on va à la rencontre de publics très différents, et c’est génial pour tester des choses.
MR: Ce n’est pas parce qu’on est hospitalisé qu’on est quelqu’un de différent. Par contre on est peut-être plus sensible. J’essaye toujours de traiter ce public comme n’importe quel autre, même si parfois ça donne des choses incongrues : tout à l’heure en service de pneumologie, nos spectateurs avaient tous des bouteilles d’oxygène ; malgré tout, à un moment de ma chanson, je leur ai lancé « allez on danse ! » comme je l’aurais fait dans n’importe quelles autres circonstances. Je ne pense pas que ce soit déplacé, car pendant ce moment-là ils faisaient abstraction de leur bouteille à oxygène. On est là pour les booster, pour leur donner envie de sourire un peu. J’essaye toujours d’apporter un peu d’humour également, car même si le but n’est pas d’être léger, ces gens ont envie qu’on les sorte de leur quotidien, pas qu’on ramène sans cesse à leur maladie en les plaignant.
RY: On essaye de leur apporter autre chose. Ce sont des moments très émouvants, comme on n’en voit nulle part ailleurs. Alors bien sûr on ne le fait pas pour les sensations fortes ! Notre but est d’amener l’extérieur à l’intérieur de l’hôpital et, dans ce lieu où il y a à la fois tellement de vie et tellement de mort, nous essayons de donner plus de force à la vie.
MR: Oui… Il y a des moments, des visages, que je n’oublierai jamais. Par exemple cet homme qui nous a demandé de jouer pendant sa greffe, ou encore cette jeune fille avec les longs cheveux blonds [voir photo ci-dessous], pour qui c’était le premier jour d’hospitalisation et qui était d’une force incroyable.