Cie BAL | Jeanne Mordoj
La compagnie Bal/Jeanne Mordoj produit depuis 2000 le travail singulier de Jeanne Mordoj, directrice artistique, auteur et interprète de soli, qui, chacun à leur manière, interrogent la féminité.
Solitudes questionnant leur rapport au monde, relation aux objets compagnons et au corps féminin, tentatives de créer du lien. Usant de matières de cirque comme autant d’outils pour en faire une parole théâtrale, la recherche suit le mouvement de la vie, des interrogations personnelles.
Jeanne Mordoj, par elle-même
De la femme sujette aux objets dans mon travail
Naissance à Paris en 1970, enfance à la campagne, parents sculpteurs recyclés dans l’élevage de chèvres. Depuis toujours, une relation toute particulière avec les objets, attachements étranges, rituels, collections de pierres triées sur le volet mises en sachets avec étiquettes, fabrication de petites sculptures, lien fort avec la matière peinture, le trait, le mot. Puis les objets de jonglage, les balles cousues mains. Découvre le cirque à 13 ans, à l’école des Saltimbanques de Chenôve. Passion immédiate, 4 ans de pratique amateur au sein de cette école ; acrobatie, contorsion et jonglage. A 17 ans entre à l’école de Chalons en Champagne, mise à la porte après une année rude. Débute l’apprentissage sur le tas et les expériences diverses ; petits rôles dans le cinéma, l’opéra, le théâtre. Il y a les rencontres qui vont compter dans le temps comme Lan N’Guyen, pédagogue, alors professeur à l’école du Cirque Plume, qui m’enseigne la contorsion par le jeu et la créativité, Jérôme Thomas qui influence mon travail et m’encourage dans mes projets. Il y a les stages marquants, avec Marc Michel Georges, Yoshi Oida et Guy Alloucherie pour le théâtre ; la pratique du dessin, du BMC (Boby Mind Centering) avec Lula Chourlin et Janet Amato. Et plus récemment, la formation Transmettre avec Bénédicte Pavelak.
Les spectacles en compagnies
Les premières tournées, à 18 ans, c’est avec le Cirque Bidon – 300 spectacles – en roulottes et chevaux sur les routes d’Italie. Avec la compagnie de rue La Salamandre, spectacles et évènementiels entre 1990 et 1998, j’expérimente là cette qualité propre à la rue : apprendre à s’adapter à toutes sortes de lieux. Pratique de l’improvisation et création du spectacle Ça Roule avec les musiciens Matthieu Léon et Patrick Sapin. Avec la compagnie Jérôme Thomas je participe entre 1995 et 1997 au groupe de recherche le GR12, et joue dans Le Banquet, pièce pour 10 acteurs, jongleurs, danseurs. En 1993, avec le jongleur Vincent Filliozat – membre fondateur du Cirque Plume – et le musicien Bertrand Boss, nous créons le Trio Maracassé. Bal jouera 300 fois dans le monde entier, cinq ans de tournées, de voyages. Entre 2002 et 2006 avec la compagnie Cahin Caha, il y a le cabaret Imprudent avec Arthur H, puis la création du spectacle Grimm sous chapiteau.
Les soli
En 2000, premier solo, 3 p’tits sous, solo de femmes, mis en scène par Vincent Lorimy et Jérôme Thomas. Portraits de femmes fortement inspirés des voyages.
En 2001, deuxième solo, Chez moi, pièce d’extérieur pour une femme et une caravane, mis en scène par Vincent Lorimy et Gulko, commande du centre des Arts du Cirque de Cherbourg et de la Grande Halle de La Villette dans le cadre du projet « les baraques ». J’aborde avec ces deux solos ma poétique propre et, de façon plus intimes, mes interrogations autour de la féminité et du sens.
2007, je continue de creuser avec Eloge du poil, troisième solo, mis en scène par Pierre Meunier. Cette création a bénéficié d’une aide à la recherche de l’AFAA – Villa Medicis Hors les Murs 2006 – 
3 mois de recherche sur la femme à barbe, à parcourir les pays de l’Est. Ce spectacle est au répertoire de la compagnie, il a joué plus de 200 fois en France et à l’étranger.
En 2010, après Éloge du poil qui a été une sorte d’aboutissement de 10 ans de travail ; je crée Adieu Poupée, co-écrit et mise en scène par Julie Denisse. Avec ce quatrième solo, il y a un besoin de rompre assez radicalement avec les matières de cirque, passe commande d’un texte à François Cerventes et choisi d’aller vers le jeu et la parole. Pour la première fois, je fabrique mes objets compagnons, ici, des poupées de chiffons.
2012, à l’occasion d’une carte blanche aux Subsistances à Lyon, je crée La Poème, pièce courte, travaille ici joyeusement autour du corps féminin. Renouer avec là d’où je viens tout en abordant de nouveaux langages, ici la voix chantée pour la première fois.
La Poème
« Avec cette pièce courte et intense, je creuse mon propos sur le féminin. « Moi, femme de 42 ans, artiste de cirque tirant vers le théâtre qu’est ce que cet âge m’inspire ? ».
J’ai beaucoup pensé à mes grands-mères, avec le souhait de leur rendre hommage à travers cette exploration des diverses facettes du féminin. De mettre à jour des sensations, des états de corps, des images. En mêlant la prouesse et l’étrangeté, l’archaïque et la drôlerie, le corps engagé, jonglage de seins, danse du ventre, fabrication dansée d’une sorte de masque rituel fait avec des coquilles d’œufs, je suis en quête dans le champ du féminin.
J’aborde ici la voix chantée, sans texte, comme une façon toute personnelle de dire l’émotion, d’inventer un langage sans mot qui vient de loin, à la fois au présent et d’un autre temps. La présence des œufs, comme un fil rouge, ingérés, déglutis, gobés magiquement. Se frotter au clown et à la femme plus sombre.
Ce qui me tient à cœur c’est d’être en liberté, en liberté de tout explorer, l’infiniment gracieux comme le monstrueux, l’un étant, à mon avis, en puissance à l’intérieur de l’autre. »
Jeanne Mordoj, Novembre 2012